Les français qui misent sur Bruxelles

[28/07/2015]

 

Bruxelles attire les artistes et les galeries des pays limitrophes. Sa situation géographique idéale entre la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Allemagne (on rejoint Paris en un peu plus d’une heure, Londres, Cologne et Amsterdam en deux heures environ) n’est pas son seul atout… Le prix de l’immobilier y est en effet bien plus attractif qu’ à Paris et le taux de l’impôt sur la fortune plus faible. De nombreux jeunes artistes s’y sont installés, afin d’obtenir plus facilement des ateliers spacieux et peu onéreux. Parallèlement, plusieurs galeristes français s’y sont implantés, dont Daniel Templon, Paris-Beijing, Almine Rech et Obadia, et le mouvement continue.

Le coup d’envoi est donné en 2006 par Almine Rech, première galeriste française s’établissant à Bruxelles. Deux ans plus tard, Nathalie Obadia fait de même, ainsi que la new-yorkaise Barbara Gladstone, expliquant que des artistes comme Anish KAPOOR étaient déjà largement représentés à Londres et à Paris et que le marché y était saturé. En 2012, c’est au tour des galeries Paris-Beijing et Valérie Bach de prendre position, puis de Daniel Templon et des galeries Dakota et Ifa en 2013.

La motivation affichée d’un galeriste comme Daniel Templon – qui a près d’un-demi siècle d’expérience à Paris ou il a orchestré 400 expositions – est de défendre une vingtaine de ses artistes qui n’ont bizarrement aucune galerie en Belgique. La place était encore vierge pour Anthony CARO, Joel SHAPIRO, Gérard GAROUSTE, Philippe COGNÉE ou Jim DINE. Plus étonnant, le fameux artiste Belge Jan FABRE n’était officiellement pas représenté à Bruxelles avant l’arrivée de la galerie Templon (la galerie Guy Pieters est implantée a Knokke-Heist, à une heure et demi de la capitale belge). Daniel Templon donnait son coup d’envoi à l’automne 2013 avec une installation in situ de l’artiste japonaise Chiharu SHIOTA, une signature que l’on croise régulièrement sur les grandes foires d’art contemporain de Paris, Singapour, New-York et Hong Kong. Ont suivi des hommages au sculpteur Anthony Caro, à l’Indien Atul DODIYA, au Belge Jan Fabre. Cet été, la galerie met à l’honneur Sudarshan SHETTY (4 juin-26 juillet 2015), un artiste important de la scène contemporaine indienne dans la lignée de Subodh GUPTA. A coté des professionnels de renoms, de plus jeunes galeristes ont récemment élus domicile à Bruxelles, dont Sébastien Ricou en 2009 et les galeristes Français Chez Valentin et Jeanroch Dard, associés pour créer Mon Chéri en 2014 et proposer un concept de galerie plus ouvert… L’heure est aux expériences, pour plusieurs générations de professionnels français.

Le marché belge, surtout connu pour ses ventes spécialisées de design, de bandes dessinées, d’art moderne et contemporain, n’est pas négligeable. Il a d’ailleurs attiré des sociétés de ventes françaises, dont la maison Pierre Bergé qui repris l’immeuble du marchand Georges de Jonckeere, place des Sablons pendant six ans avant de fermer. Pierre Bergé a rejoint définitivement Paris en 2012 en raison de “divergences quant à la stratégie de développement”. Un chassé-croisé s’est alors opéré avec les maisons Artcurial et Cornette de Saint Cyr, ouvrant chacune leur antenne bruxelloise en 2012, pour des résultats moins probants qu’a Paris.

Certes, les belges ont la réputation de collectionneurs pointus et sympathiques; certes le salon Art Brussels drainent quelques 30 000 visiteurs chaque année, dont 30 % d’étrangers… Néanmoins, Bruxelles est loin derrière Paris en terme d’attractivité et de puissance de marché. La capitale européenne ne serait-elle pas un refuge plutôt qu’un eldorado ?