Photographie. L’effervescence parisienne

[07/11/2017]

Malgré un bilan terne en salles de ventes, la photographie draine toujours un flot impressionnant d’amateurs et de collectionneurs éclairés. Tous se rejoignent à Paris cette semaine, capitale éphémère du genre avec plusieurs Salons internationaux, de multiples expositions et une actualité soutenue en salles.

Le marché de la photographie a une fâcheuse tendance à jouer aux montagnes russes, affichant des résultats pour le moins fluctuants d’une année sur l’autre. Il y a tout juste 10 ans, ce secteur s’imposait pourtant comme l’un des plus détonant, les plus performants du marché. 2007 fut en effet l’année du premier résultat millionnaire obtenu pour une photographie de Cindy Sherman, et l’année où les grands tirages de Cow-boy de Richard Prince passaient les 2 millions de dollars pour la première fois, et ce à deux reprises. Le marché flambait alors pour une certaine photographie contemporaine, américaine de surcroît. Les performances sont plus aléatoires aujourd’hui. Et les résultats de l’an dernier n’ont rien de commun avec les superbes envolées de 2007 où il se vendait pour près de 211 millions de dollars de photos aux enchères dans le monde, contre 131 millions en 2016.

Sur ce marché où les américains sont rois (New York représentant plus de la moitié du marché mondial de la photographie), Paris revendique son rôle et redouble de propositions alléchantes durant le mois de novembre, à commencer par le Salon Paris Photo dont le 20ème anniversaire a attiré pas moins de 62 000 visiteurs au Grand Palais l’an dernier. 62 000 visiteurs… voici la preuve que la photographie est définitivement entrée dans les mœurs des collectionneurs, car Paris Photo est désormais l’un des salons d’art parisiens les plus visités après la Fiac. Pour cette 21ème édition, 160 galeries ouvrent leurs stands, ainsi qu’une trentaine d’éditeurs, du 9 au 12 novembre 2017. L’évènement, qui se définit comme ”la première foire mondiale dédiée au médium photographique” maintient son positionnement international avec une trentaine de pays présents pour l’occasion. Les deux-tiers des galeries sont européennes, mais les galeries américaines y sont très bien représentées et le voyage se poursuit jusqu’en Argentine, en Afrique du Sud, en Chine, aux Émirats Arabes Unis, en Inde, en Iran, au Japon, au Liban, au Mexique ou encore à Taïwan.

Que nous proposent ses exposants ? Essentiellement des tirages contemporains. Dans les salons comme en salles des ventes, la photo contemporaine séduit en effet le plus grand nombre. Aux enchères, elle représente d’ailleurs près de la moitié du marché de la photographie, contre 20% pour la photographie d’après-guerre et 23% pour la photo moderne.

La photographie du XIXème et celle du début du XXème siècle se retrouve pour l’essentiel dans les salles des ventes parisiennes, chez Sotheby’s qui met notamment à l’honneur, le 10 novembre, plusieurs tirages de Gustave LE GRAY et d’André KERTÉSZ, tandis que sa concurrente Christie’s vend le même jour au plus offrant 143 photographies, dont 22 épreuves de Brassai, 12 de Joseph Sudek, 10 de Edouard-Denis Baldus, huit de Henri Cartier-Bresson, sept de Robert Mapplethorpe… et un photogramme de 1925 signé de l’avant-gardiste László MOHOLY-NAGY qui devrait allègrement passer les 100 000 $… Clou de cette semaine, une photographie mythique signée MAN RAY, Noire et Blanche (1926), fait partie de la dispersion de la collection de Thomas Koerfer chez Christie’s à Paris le 9 novembre. Cette image emblématique, connue de tous, a fait le tour du monde depuis sa première publication en 1926 dans la version parisienne du magazine Vogue, sous le titre Visage de nacre et Masque d’ébène. Si cette vente se déroule bien, la superbe Noire et Blanche devrait devenir l’une des photographies les plus chères de Man Ray, car sa fourchette d’estimation la valorise entre 1 et 1,5 millions d’euros (1,1-1,7 m$).

Ce n’est pas tout. Au cours de cette même semaine, le Salon de la Photo fête ses dix ans en rendant hommage à l’une des grandes figures de la photographie contemporaine, Sebastiao SALGADO (9 au 13 Novembre à Paris Expo, Porte de Versailles) ; l’exposition du World Press Photo, l’une des plus importantes compétition pour les photo reporters, fait escale dans la galerie parisienne de Carla Sozzani ; le salon Fotofever s’installe à nouveau au Carrousel du Louvre pour promouvoir la photographie contemporaine émergente, misant sur une sélection d’œuvres à moins de 1 000€ ; le Centre Pompidou ouvre son exposition Photographisme consacrée aux dialogues entre la photographie et le graphisme (du 8 novembre 2017 au 29 janvier 2018)… tandis que se poursuivent la grande rétrospective d’Irving PENN au Grand Palais, et les expositions du photographe malien Malick SIDIBÉ et de Raymond DEPARDON à la Fondation Cartier…

Cette semaine de la Photo à Paris permettra aux amateurs de patienter jusqu’en avril, où le Mois de la Photo dévoilera sa dernière mutation : son expansion dans le Grand Paris, organisée par la Maison Européenne de la Photographie avec l’appui de François Hébel, le directeur artistique de cette édition à venir.